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Juin 2022

     La Vie de l'autre  numéro 17

Photo réalisé par ; Chad Verilli

ÉDITORIAL 

Bonjour à tous,

 

Voici un numéro très spécial.

 

Tout d’abord, rencontrez avec nous des écrivains qui explorent le français en se remémorant des souvenirs joyeux. Ils suivent des classes de francisation au Centre Les Berges avec Marjory Bernier. C'est fantastique de les lire en sachant que le français leur permet de nous communiquer ici leurs réflexions. Un grand merci pour leur ouverture et leur générosité de nous avoir reçu parmi eux.

 

De plus, nous publions les livres de près de quarante classes (plus de 1000 élèves) qui ont écrit une courte fiction.

 

Vous en avez pour une bonne partie de l’été à explorer leur talent et leur imagination.

 

Pour ma part et, comme promis, je vous livre ici une fiction basée sur mon texte souvenir publié ici même au mois de mai dernier.

 

 

Bonne lecture !

François Tardif

Rédacteur en chef

La vie de l’autre

Juin 2022

 

Le grand ami des orignaux

 

Je m’appelle François. Je veux vous parler de mon ami Charles. J’ai 8 ans au début de cette histoire.

 

Je suis d’un naturel peureux mais mon ami Charles lui n’a peur de rien.

Pourtant mon compagnon est petit, il a la peau pâle et Charles baisse souvent les yeux quand on lui parle. Mon ami a même l’air très timide mais aussitôt qu’il se retrouve dans la nature, il devient le plus brave des braves.

 

Il connait toutes les plantes et il sait comment survivre dans toutes les situations. Devant le danger, il reste toujours très calme.

 

Et surtout, il est fidèle en amitié et il me protège toujours. Jamais il ne me laisserait tomber.

 

 

En juillet de l’été 1967, nous sommes au chalet des parents de Charles en Abitibi, à au moins 25 km de toute civilisation.

 

Charles vient me réveiller vers 4h30 du matin en me disant de le suivre et de ne pas faire de bruit pour ne pas réveiller ses parents. Ça fait deux jours qu’il me dit qu’il veut me montrer quelque chose de spécial dans une grotte inconnue.

 

En le suivant, je tombe au sol deux ou trois fois. Charles vérifie si je veux continuer ou si je préfère retourner au chalet. Il veut savoir si je suis assez brave pour le suivre. Ça me fait un peu peur, car s’il me parle de bravoure, lui le plus brave des braves, c’est que l’on va vivre quelque chose d’épeurant. 

 

Il n’attend d’ailleurs même pas ma réponse et je n’ai pas d’autre choix que de le suivre dans des sentiers inconnus. Le soleil n’est pas encore complètement levé quand on aperçoit au-delà d’une dizaine d’arbres géants, un tout petit sentier secret qui nous mène à un grand trou dans les rochers.

 

Charles m’entraine jusqu’au plus profond de la grotte où, malgré ma peur de me faire attaquer par des chauve-souris ou par un ours, je décide de le suivre. Je suis récompensé de ma soudaine bravoure quand il me montre la sortie de la grotte qui mène à un petit promontoire où l’on peut observer un marais situé 100 mètres plus bas. Le soleil se lève enfin et je commence à lui parler mais il me fait signe de me taire et d’observer sur notre droite le magnifique spectacle qui s’offre à nous. Une famille d’orignaux profite de l’aube pour se laver et prendre un petit temps tranquille loin des humains si habiles à déranger la faune.

 

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Quelle beauté!

 

Mon ami Charles me dit alors que ce n’est pas tout. Il m’a toujours caché cela mais il a l’impression que les animaux sauvages l’écoutent et le comprennent quand il leur parle. Je ris de son affirmation mais je reste un peu surpris quand je l’entends crier d’une façon étrange en direction des superbes mais énormes orignaux. Il leur fait des signes pour leur dire d’approcher mais je continue à rigoler car je suis certain qu’il ne réussira jamais à se faire comprendre de ces bêtes sauvages. Mais Charles sème le doute chez moi en leur parlant de plus en plus bizarrement. Je n’ose pas trop regarder mais ça me donne des frissons quand il semble que les orignaux tournent leur museau vers nous.  Mon ami se met à 4 pattes et hurle d’une façon si étrange que je me décide à l’aider… j’ouvre mon sac à dos et je sors de notre collation UN GRAND SAC DE CAROTTES que je n’oublie jamais d’emporter en excursion … pendant que Charles continue à jouer au Docteur Doolittle en parlant aux animaux, je TENDS CES BELLES CAROTTES AUX ORIGNAUX QUI, AUSSITÔT, SE TOURNENT VERS MOI ET S’ÉLANCENT EN COURANT POUR PROFITER DE CE REPAS GRATUIT. Charles est certain que c’est lui qui crée cette communication un peu miraculeuse avec les animaux mais moi je donne tout le crédit à mes délicieuses carottes.

 

Toutefois, en les voyant courir vers moi, je panique un peu, je laisse tomber mes carottes et me sauve en entrainant Charles de force dans la grotte. Les orignaux courent de plus en plus vite vers nous… ils dévorent les carottes et s’avancent vers nous deux qui sommes dans la petite entrée de pierres fragiles. Charles continue à leur parler et je dois bien avouer à ce moment que j’ai l’impression que le plus gros des orignaux le regarde droit dans les yeux et semble même le comprendre… je reste figé un instant en les voyant communiquer… mais il a un si gros panache que j’ai la crainte qu’il fasse du mal à mon ami alors je le tire de force à l’intérieur de la grotte. L’immense orignal, en nous voyant reculer, s’avance alors vers nous et, avec son panache, il accroche les parois de la grotte et fait tomber des tas de pierres entre lui et nous.  Nous sommes sauvés de l’orignal qui aurait pu nous écraser mais, malheureusement, je me rends compte que nous sommes enfermés dans le noir de la grotte…. La chute des roches a créé une avalanche des deux côtés de la caverne et toutes les issues sont maintenant fermées pour nous. Nous sommes dans le noir, enfermés à jamais. Bientôt l’air va manquer.

 

Au bout de quelques instants de panique, Charles me pose la main sur l’épaule et me dit, calme comme toujours, qu’il nous faut essayer de se dégager une ouverture en bougeant les roches une à une. Je me sens rassuré et, dans le noir total, nous nous mettons au travail… pourtant, rapidement, je réalise que nous sommes si coincés que nous n’y arriverons pas; on bouge une pierre, on la dépose à gauche et aussitôt à droite une autre roche glisse vers nous et nous coince encore davantage dans notre prison rocheuse.

 

J’ai peur mais, je ne sais trop pourquoi, le silence apaisant de mon ami me calme et je me dis que nous trouverons une solution. En bougeant délicatement une nouvelle roche, je suis tout à coup surpris de réaliser que mes yeux commencent à percevoir le visage de mon ami… pourtant, il y a à peine dix secondes, tout était si noir.

 

« François… me dit Charles, regarde… regarde  on voit la lumière… »

 

À travers la poussière, un rayon de soleil réussit à rejoindre le visage de Charles qui sourit. Il me dit de le suivre et nous continuons à creuser en suivant le rayon qui nous guidera sûrement vers la sortie…. Mais les roches sont de plus en plus grosses et trop lourdes à déplacer. L’air se raréfie et Charles se met à tousser de plus en plus fort… je me rappelle que j’ai une gourde d’eau dans mon sac que j’ai toujours dans mon dos. Je me dépêche de l’ouvrir et j’en sors la gourde ainsi que les quelques carottes que je n’avais pas encore eu le temps de donner aux orignaux.

 

Charles boit rapidement de l’eau et calme sa toux… puis, en voyant les carottes, il me les arrache des mains, non pas pour les manger comme je crois au début, mais comme monnaie d’échange avec ses amis. 

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Ce qui suit me bouleverse encore aujourd’hui quand j’y repense car je dois la vie au fait que mon ami Charles s’est mis à parler une langue que je ne connaissais pas. Ça ressemblait d’ailleurs davantage à des grognements mais à chacune de ses fins de phrases animales, j’entendais les orignaux qui lui répondaient. On aurait vraiment dit une conversation. Charles continuait à grogner et à hurler en brandissant les carottes comme des trophées et il me souriait et me serrait les épaules si fortement et si joyeusement que je me suis aussitôt mis à croire que l’on ne mourrait pas ce jour-là.

 

Très rapidement, à l’aide de son panache, le gros orignal a dégagé d’immenses pierres tout en nous protégeant. La lumière se faisait de plus en plus belle et brillante. On est sortis en toussant et en riant et j’ai vu de mes propres yeux, Charles serrer très fort l’énorme orignal en s’accrochant à son cou. Puis, pendant au moins une demi-heure, tous les  orignaux nous ont entourés pour discuter avec Charles. Ils riaient et ils grognaient sans que je n’y comprenne rien… sauf peut-être que le chef des orignaux, le plus gros animal sauvage que j’ai pu voir dans ma vie, était très heureux des superbes carottes que Charles lui a offert en notre nom.

 

Les orignaux nous ont ensuite reconduits jusqu’à la lisière du bois et, je le jure, j’ai vu notre nouvel ami sauvage me faire un clin d’œil avant de s’engouffrer avec ses amis dans la forêt infinie.

 

Au déjeuner avec ses parents, Charles me fait des signes de ne rien dire. Je comprends que jamais on ne pourra révéler son étrange secret; Charles parle avec les animaux… et, bien chanceux suis-je d’avoir un ami comme lui car grâce à son don légendaire, je suis bien vivant pour vous raconter cette superbe aventure.

 

Un jour peut-être, je lui demanderai ce que les orignaux ont bien pu lui dire. Sûrement des secrets précieux portant sur la nature et la survie de certaines espèces puisque Charles vit dans la forêt au milieu des bêtes, heureux comme un roi, depuis plus de 30 ans et qu’il est un ardent défenseur de la nature. Mais ne révélez rien à personne, je l’ai promis à Charles… et comme lui, je suis fidèle à mon ami.

 

Il parle aux animaux mais chuuut, je ne vous l’ai pas dit! 

 

Légende de François Tardif

 

 

Bon été à tous!

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